Parties communes à usage restreint (PCUR) : comprendre la répartition des coûts
- Julien Gobeil Simard
- 17 juil.
- 9 min de lecture
Dernière mise à jour : 1 août

Le projet de loi 16 adopté en décembre 2019 contenait une réforme discrète, mais importante, de l’article 1064 du Code civil du Québec, afin de préciser les règles entourant la gestion financière des parties communes à usage restreint (PCUR) en copropriété.
Les copropriétaires qui ont l’usage de PCUR sont responsables des coûts d’entretien courant et des réparations mineures de ces parties.
Pour ce qui est des réparations majeures et remplacements de ces PCUR, en général, ces interventions sont payées avec le fonds de prévoyance, auquel les copropriétaires contribuent selon la valeur relative des fractions de la copropriété, comme le reste des charges communes.
Cependant, l’article 1064 réformé indique que la déclaration de copropriété (DDC) peut prévoir une répartition différente des coûts pour les remplacements et réparations majeures de parties communes à usage restreint (PCUR). Si elle ne prévoit pas de répartition différente, alors on doit s’en remettre à la valeur relative des fractions.
Cette notion de répartition peut paraître simple, en principe mais, en pratique, c’est tout le contraire. Dans cet article, les professionnels en bâtiment de Hoodi expliquent et clarifient le tout pour simplifier votre compréhension.
D’abord, quelle différence entre les parties communes et les PCUR en copropriété?
Parties communes
Dans une copropriété divise, les parties communes désignent tous les éléments de l’immeuble à condos qui appartiennent collectivement à l’ensemble des copropriétaires et qui sont utilisés par tous.
Le syndicat doit veiller à l’entretien et à la conservation de ces parties communes et les copropriétaires contribuent à payer l’entretien, les réparations et les remplacements à travers leurs frais de condos, en fonction de la valeur relative de leur fraction indiquée dans la déclaration de copropriété (DDC).
Pour une copropriété verticale, les parties communes vont généralement inclure :
le sol;
les cours;
les balcons;
les parcs et jardins;
les voies d’accès, les escaliers et ascenseurs;
les passages et corridors;
les locaux des services communs, de stationnement et d’entreposage, les caves;
le gros oeuvre des bâtiments, la toiture, les revêtements extérieurs, les portes, les fenêtres;
les équipements et les appareils communs, tels les systèmes centraux de chauffage et de climatisation et les canalisations
Parties communes à usage restreint (PCUR)
Certaines parties communes peuvent être à usage restreint (PCUR). Ce sont quand même des parties communes qui appartiennent à l’ensemble des copropriétaires, mais de par leur nature, elles sont réservées à l’usage exclusif d’un ou de quelques copropriétaires.
C’est la DDC qui permettra d’identifier les PCUR. Dans les copropriétés verticales, on verra les parties communes suivantes être identifiées à usage restreint :
les fenêtres;
les portes-patio;
les balcons;
les terrasses;
les stationnements attribués;
des espaces de rangement;
des garages individuels;
des terrasses sur le toit ou loggias à l’usage d’un seul copropriétaire;
des parties de terrain.
Ce sont ces parties, les PCUR, pour lesquelles la DDC peut prévoir une répartition des coûts des remplacements et réparations majeures différente du reste des charges communes (qui sont réparties selon la valeur relative des fractions).
Comment fonctionne la répartition des coûts en lien avec les PCUR en copropriété
Qu’entend-t-on par « répartition des coûts »
Selon le grand dictionnaire terminologique de l’Office québécois de la langue française, dans le contexte de gestion, on donne la définition suivante : « Action de partager une quantité ou un ensemble afin d'en attribuer les parts. »
Dans le contexte des coûts de réparations majeures et remplacements des parties communes à usage restreint (PCUR) d’une copropriété, une répartition des coûts devrait permettre de calculer la part dont est responsable chaque copropriétaire qui a un droit d’usage d’une ou plusieurs PCUR.
En résumé, il s’agit exactement du même principe de répartition des coûts selon les valeurs relatives des fractions de la copropriété (unités de condo) mais, dans le cas des parties communes à usage restreint (PCUR), la répartition des coûts vient établir une distribution différente de la valeur relative des unités de condo, ou encore vient distribuer le coût sur un nombre plus restreint de copropriétaires.
Répartition des coûts et responsabilités des PCUR : une distinction importante
Il est important de distinguer la répartition des coûts de la responsabilité de faire les remplacements et réparations majeures nécessaires à la conservation des parties communes à usage restreint (PCUR) de votre immeuble en copropriété.
Les PCUR sont des parties communes et c’est le syndicat de la copropriété qui devrait veiller à planifier et faire réaliser ces travaux.
Chez Hoodi, nous constatons très souvent des syndicats de copropriété qui délèguent à des copropriétaires de tels travaux en élargissant le sens d’une clause de répartition des coûts, notamment dans les plus petites copropriétés qui sont très souvent autogérées (sans gestion immobilière externe).
⚠️ Attention : le syndicat de copropriété ne devrait jamais se désintéresser des remplacements et réparations majeures des parties communes de l’immeuble.
Les coûts des travaux pour les parties communes à usage restreint (PCUR) peuvent être répartis différemment du reste des parties communes si la déclaration de copropriété (DDC) le prévoit spécifiquement.
Toutefois, il est important de garder en tête que des clauses de répartition de coûts dans la DDC n’ont pas pour effet de transformer les PCUR de la copropriété en parties privatives.
Des clauses de répartitions de coûts difficiles à interpréter pour les PCUR
Chez Hoodi, nos équipes consultent des centaines et des centaines de déclarations de copropriété (DDC) chaque année dans le cadre de nos mandats de préparation d’études du fonds de prévoyance et de carnet d’entretien pour les petites copropriétés.
Trop souvent, nous constatons des clauses de répartition ambiguës concernant les parties communes à usage restreint (PCUR). Lorsqu’une clause est ambiguë, les administrateurs de la copropriété, ou le gestionnaire de la copropriété, sont placés dans une situation peu enviable : ignorer la clause OU l’appliquer en risquant de faire des erreurs dans l’interprétation de cette clause. 😅
Exemple d’une situation réelle d’une clause de répartition ambiguë en lien avec les PCUR
Un immeuble à condos où il y a 6 balcons, où la DDC dit que le coût de remplacement des balcons est réparti « en fonction de l’usage ». Il est tout à fait légitime de se poser les questions suivantes :
Est-ce que chaque unité de condo qui dispose d’un balcon possède un droit d’usage et il faut diviser le coût de remplacement des balcons en 6? 🤔
Est-ce qu’il faut mesurer le nombre de pieds carrés de surface de balcon et répartir les coûts selon les dimensions? 🤔
Un copropriétaire qui n’utilise pas son balcon doit-il contribuer au coût de remplacement? 🤔
À moins d’être le notaire qui a rédigé la DDC, difficile de savoir clairement quelle était l’intention. On constate malheureusement beaucoup de clauses de répartition atteintes d’un déficit de clarté et de précision, à différents degrés et qui deviennent donc inapplicables. 😕
Des répartitions des coûts en lien avec les PCUR souvent inutiles ou inapplicables
Certaines déclarations de copropriété (DDC) prévoient des répartitions que l’on pourrait qualifier de discutables. C’est notamment le cas au niveau des fenêtres d’une copropriété, qui sont presque toujours désignées comme des PCUR dans le cas des copropriétés verticales.
Les fenêtres font, trop souvent, l’objet d’une clause visant à répartir le coût de leur remplacement afin que chaque copropriétaire soit responsable du coût de remplacement des fenêtres de son unité de condo.
Dans un contexte où toutes les unités de condo de la copropriété sont munies de fenêtres et que le syndicat de copropriété est responsable de planifier et gérer ces travaux, il est légitime de se demander en quoi une telle clause de répartition est réellement pertinente?
Certes, certains diront que toutes les unités de condo n’ont pas le même nombre de fenêtres. Mais, normalement, les valeurs relatives des fractions sont établies en tenant compte, entre autres, de la superficie des unités, qui sont presque toujours corrélées avec le nombre de fenêtres et/ou leurs dimensions. En tenant compte de cela, une répartition différente des coûts est-elle réellement utile?
De plus, pour répartir le coût du remplacement de toutes les fenêtres par condo, il faudrait d’abord être en mesure de ventiler tous les coûts du remplacement par condo :
Mobilisation de l’entrepreneur sur le site de la copropriété;
Transport et manutention;
Équipement de levage;
Etc.
On souhaite bonne chance à quiconque demandera à un entrepreneur de fournir une telle ventilation des coûts. On pourrait alors dire que cette répartition « par unité » n’est pas possible, en plus de ne pas être significativement utile.
On peut se demander pourquoi autant de DDC tentent d’individualiser les coûts de remplacements et réparations majeures de parties communes à usage restreint (PCUR) dont tous les copropriétaires disposent, comme les fenêtres et les balcons : Est-ce dans le but de réduire les charges communes? 🤔
Pourtant, les sommes à prévoir pour le remplacement et les réparations majeures des parties communes à usage restreint (PCUR), même si elles font l’objet d’une répartition des coûts différente, doivent tout de même être exigées des copropriétaires pour les accumuler dans le fonds de prévoyance de la copropriété.
La bonne pratique à appliquer, selon Hoodi 💡
Il serait souhaitable d’introduire dans les DDC une répartition différente des coûts pour les réparations majeures et remplacements des parties communes à usage restreint (PCUR) seulement lorsque des copropriétaires ont l’usage de PCUR que d’autres n’ont pas.
Par exemple, lorsque seuls certains copropriétaires :
ont des terrasses sur le toit de l’immeuble à condos;
ont des stationnements (ou pas accès au même nombre de stationnements).
Les clés de répartition à la rescousse des condos 🔑
Depuis quelques années, la notion de « clé de répartition » a commencé à gagner en popularité dans les nouvelles déclarations de copropriété au Québec.
👉 L’idée est simple : toutes les déclarations de copropriété ont un tableau qui indique la valeur relative des fractions (en %), ce qui permet de facilement répartir les charges communes.
💡 Pourquoi ne pas utiliser le même principe pour les parties communes à usage restreint (PCUR) si votre copropriété souhaite introduire une répartition différente des coûts de remplacements et réparations majeures pour ces éléments?
Lire aussi : Frais de condo : comment gérer la contribution des copropriétaires au fonds de prévoyance
Pour les nouvelles DDC (et pour celles qui manquent de clarté)
Il suffirait d’introduire un tableau avec des pourcentages qui permettraient au syndicat de facilement répartir ces charges. Cela devrait d’ailleurs être un automatisme pour toute nouvelle déclaration de copropriété, ou pour mettre à jour une DDC qui manque de clarté.
Pour les plus vieilles DDC
Pour les vieilles DDC qui souffrent de clauses de répartition imprécises, ou bien dans des cas où il serait justifié d’ajouter une clé de répartition, les syndicats de copropriété peuvent bénéficier de l’accompagnement d’un notaire pour modifier leur DDC.
Évidemment, il y a tout un processus à suivre pour modifier l’acte constitutif de la DDC, et des frais, mais l’administration de la copropriété en sera simplifiée pour les décennies à venir.
Tenir compte des répartitions différentes : une responsabilité partagée
Création de groupes de contributeurs
Lorsque nos équipes réalisent des études du fonds de prévoyance, il va de soi que nos professionnels en bâtiment doivent tenir compte des clauses ou clés de répartition et produire des projections et des recommandations financières en tenant compte de ces règles. En général, le principe est de créer des groupes de contributeurs.
On aura toujours le groupe composé de tous les copropriétaires pour toutes les parties communes (et les PCUR qui ne font pas l’objet d’une répartition différente), puis des groupes de contributeurs spécifiques pour les PCUR qui font l’objet de clauses de répartition particulières.
Par exemple, le groupe « Utilisateurs des terrasses sur le toit », ou encore le groupe des « Utilisateurs de fenêtres, portes et balcons », « Copropriétaires commerciaux », etc. Des projections et recommandations sont ensuite établies pour chacun de ces groupes.
Tous les professionnels qui réalisent des études du fonds de prévoyance pour les copropriétés devraient analyser la DDC et tenir compte des répartitions différentes en ce qui a trait aux parties communes à usage restreint (PCUR) afin de bien segmenter leurs recommandations.
Cependant, ces derniers doivent être prudents afin de ne pas outrepasser leur champ de compétence. Il n’appartient pas au professionnel qui réalise l’étude de donner un avis légal sur la façon d’interpréter une clause de répartition. Un professionnel du droit devra être consulté par le syndicat de copropriété, au besoin.
Cela dit, ce n’est pas l’obtention d’une étude du fonds de prévoyance qui devrait marquer le point de départ de l’application des clauses de répartition.
Le conseil d’administration a l’obligation de respecter les dispositions de la DDC, et si le syndicat de copropriété fait affaire avec un gestionnaire immobilier, ce dernier devrait appuyer le conseil d’administration dans la gestion financière du syndicat.
Par exemple, si votre DDC comporte une clause qui dit que seulement les copropriétaires au dernier étage doivent contribuer au fonds de prévoyance pour le remplacement éventuel des terrasses au toit et que cette disposition n’est pas respectée depuis 10 ans, l’administration de la copropriété est en défaut.
Une étude du fonds de prévoyance bien réalisée devra alors prendre pour acquis que ces copropriétaires n’ont jamais contribué pour le remplacement de leurs terrasses et pourrait recommander qu’un rattrapage soit fait en ce sens.
Vers des répartitions de coûts plus claires et utiles pour les PCUR en copropriété
Avec le contexte légal de la copropriété divise qui se complexifie constamment, il faut espérer une gestion plus simple des coûts de remplacements et réparations majeures des parties communes à usage restreint (PCUR).
Cela commence par des règles dans les DDC qui sont claires et limpides, idéalement sous forme de clés de répartition, et que de telles répartitions soient introduites seulement lorsque c’est utile de le faire et que le calcul est possible.
Cela facilitera la prise en charge de ces répartitions par les administrateurs et les gestionnaires qui sont chargés des finances du syndicat de copropriété, et par les professionnels qui réalisent des études du fonds de prévoyance.