Frais de copropriété et loi 16 : exemples d'augmentation à prévoir
- Julien Gobeil Simard
- 21 sept.
- 9 min de lecture
Dernière mise à jour : 22 sept.

La loi 16, officiellement entrée en vigueur le 14 août 2025, transforme la gestion financière des copropriétés au Québec en rendant notamment obligatoires le carnet d’entretien et l’étude périodique du fonds de prévoyance.
Si ces obligations importantes et bénéfiques pour les copropriétés visent à prévenir les déficits d’entretien des immeubles à condos, elles ont aussi un impact financier réel, et souvent immédiat, sur les frais de copropriété.
La fameuse pensée magique en condo « plus les frais de copropriété sont bas, mieux c’est! » qu’on entendait régulièrement dans le passé était déjà aberrante à l’époque, mais s’avère particulièrement inexacte maintenant que le règlement de la loi 16 est en vigueur. 😅
Dans cet article, l’équipe de Hoodi vous explique pourquoi la loi 16 est susceptible de créer une augmentation des frais de copropriété et vous offre des exemples de scénarios pour mieux comprendre l’ordre de grandeur de cette augmentation.
D’abord, quelques précisions sur les frais de copropriété
En quoi consistent les frais de copropriété
Les frais de copropriété, qu’on appelle aussi frais de condo, frais communs ou charges communes, sont des sommes que chaque copropriétaire débourse généralement de façon mensuelle. Les frais de copropriété ne sont pas optionnels : ils sont exigés par la loi (article 1064 du Code civil du Québec) et mentionnés dans la déclaration de copropriété, et ce, pour toutes les copropriétés divises au Québec.
Ce que couvrent les frais de copropriété
Les frais de copropriété découlent des dépenses liées à l’entretien des parties communes, l’administration du syndicat et aux contributions à différents fonds, tels que le fonds de prévoyance et le fonds d’auto-assurance.
Comment se calculent les frais de copropriété
Dans la déclaration de copropriété, chaque unité de condo, ou fraction, est associée à une valeur relative, qui normalement a été attribuée, selon l’article 1041 du Code civil du Québec, en tenant compte « de la nature, de la destination, des dimensions et de la situation de la partie privative de chaque fraction, mais sans tenir compte de son utilisation ».
Chaque année, le conseil d'administration de la copropriété doit préparer un budget prévisionnel à propos duquel il consulte l’assemblée des copropriétaires lors de l’assemblée générale annuelle (article 1072 du Code civil du Québec), après quoi le conseil d'administration adopte un budget final. Le syndicat de copropriété doit ensuite aviser chaque copropriétaire du montant de ses contributions et de la date où elles sont exigibles.
La somme des dépenses et contribution aux différents fonds de la copropriété doit être égalisée par des charges communes afin d’obtenir un budget équilibré. Ce sont ces charges que les copropriétaires devront payer. Les charges communes sont réparties selon la valeur relative des fractions afin de déterminer combien chaque copropriétaire devra payer. Habituellement, on exige des versements mensuels.
Voici un exemple pour une copropriété de 6 fractions dont le total des charges au budget annuel serait 25 000$ :
Fraction | Valeur relative | Contribution annuelle aux charges communes | Contribution mensuelle aux charges communes |
1 | 15% | 3750$ | 312,50$ |
2 | 15% | 3750$ | 312,50$ |
3 | 15% | 3750$ | 312,50$ |
4 | 15% | 3750$ | 312,50$ |
5 | 20% | 5000$ | 416,67$ |
6 | 20% | 5000$ | 416,67$ |
Lire aussi : Frais de condo : comment gérer la contribution des copropriétaires au fonds de prévoyance
Pourquoi la loi 16 est susceptible d’augmenter les frais de copropriété
Le problème des frais de copropriété fixés trop bas dans le passé, causant une sous-capitalisation du fonds de prévoyance
Selon un sondage réalisé par le RGCQ, près de 40 % des immeubles en copropriété au Québec ont actuellement un fonds de prévoyance insuffisant, voire inexistant, et ce, malgré l’obligation légale de disposer d’un tel fonds depuis longtemps.
Évidemment, ces données sont issues d’un sondage auprès de membres du RGCQ que, d’une part, l’on peut suspecter d’avoir de meilleures pratiques de gestion que la moyenne des copropriétés et, d’autre part, dans bien des cas se basent sur leur propre jugement (et non une étude du fonds de prévoyance) pour dire si leur fonds de prévoyance est suffisant ou non.
Les centaines d’études du fonds de prévoyance que l’équipe de Hoodi a réalisées révèlent que c’est plutôt 90% des copropriétés qui ont un fonds de prévoyance insuffisant.
Bref, même si, en théorie, les conseils d’administration de copropriété avaient une obligation légale de constituer un fonds de prévoyance en fonction des coûts estimatifs des réparations majeures et des remplacements de parties communes depuis 1994 (article 1071 du Code civil du Québec), en pratique ce n’est pas ce qui a été fait dans une majorité de copropriétés.
Est ensuite arrivé le projet de loi 16 en décembre 2019 puis, plus récemment, le règlement d’application des réformes du projet de loi 16. Ce règlement est entré en vigueur le 14 août 2025 et fait en sorte que toutes les copropriétés au Québec devront faire établir un carnet d’entretien par un professionnel autorisé, ainsi qu’une étude du fonds de prévoyance, au plus tard le 14 août 2028.
Les sommes à verser au fonds de prévoyance devront être fixées par le conseil d’administration de la copropriété en se basant sur les recommandations de l’étude du fonds de prévoyance selon l’article 1071 du Code civil du Québec qui a été modifié par le projet de loi 16.
Pourquoi ces copropriétés devraient s'attendre à une hausse importante de leurs frais de copropriété
Les syndicats de copropriété qui ne versent qu’un faible pourcentage de leurs dépenses (5% à 10 % par année, par exemple) à leur fonds de prévoyance feront assurément face à une hausse importante de leurs frais de copropriété afin de contribuer adéquatement à leur fonds de prévoyance, mais aussi pour renflouer la sous-capitalisation qui a perduré pendant des années.
Un délai légal de 10 ans à respecter pour renflouer un fonds de prévoyance insuffisant
Puisque beaucoup de fonds de prévoyance ont été sous-capitalisés pendant longtemps, le législateur a quand même prévu une mesure transitoire dans le projet de loi 16 pour éviter les augmentations trop brusques de frais de copropriété.
L'article 154 du projet de loi 16 prévoit que, dans le cas où l'étude du fonds de prévoyance révèle une insuffisance, « le conseil d’administration doit fixer les sommes qui seront versées annuellement dans ce fonds de façon à ce que celui-ci soit suffisant après une période d’au plus 10 ans suivant la date d’obtention de la première étude ».
L’étude du fonds de prévoyance devrait donc établir deux choses :
La contribution annuelle au fonds de prévoyance qui permet une capitalisation saine et durable du fonds de prévoyance;
La sous-capitalisation qui devra être compensée, qui peut être étalée sur 10 ans (qu'on appelle souvent « rattrapage » ou « renflouement »).
Un cas exemple d’augmentation de frais de copropriété
Afin d’illustrer les effets sur les frais de copropriété de contribuer adéquatement au fonds de prévoyance, nous allons prendre le cas d’une copropriété qui présente les caractéristiques suivantes :
Copropriété de 16 unités;
Construction datant de 1993;
Copropriété munie d’un ascenseur et d’un système de protection incendie;
Fonds d’auto-assurance plein (pas de contribution à prévoir pour garnir ce fonds);
Copropriété auto-gérée (pas d’honoraires de gestion externe) et administrateurs bénévoles.
Pour faciliter la compréhension, nous allons présumer que la valeur relative des fractions est la même pour tous les copropriétaires, soit 6,25%.
Voici le budget annuel type pour les dépenses courantes qu’il faut prévoir (excluant la contribution annuelle au fonds de prévoyance) :
Poste budgétaire | Charges annuelles prévues |
Électricité | 1000$ |
Entretien général et réparations mineures | 10175$ |
Télécommunications | 550$ |
Assurances | 5800$ |
Frais d'assemblée | 200$ |
Frais de bureau | 150$ |
Honoraires professionnels | 3000$ |
Licences et permis | 460$ |
Frais bancaires | 180$ |
TOTAL | 21 515$ |
👉 En excluant la contribution annuelle au fonds de prévoyance, on obtient des frais de copropriété mensuels de 112,06$ par copropriétaire, par mois.
Scénario A : contribution annuelle au fonds de prévoyance à 5% du budget annuel d’exploitation
Jusqu’à maintenant, même si la loi exigeait des administrateurs de copropriété de fixer les contributions annuelles au fonds de prévoyance en fonction des coûts estimatifs des réparations majeures et remplacements de parties communes, plusieurs copropriétés s’en sont tenues au minimum légalement obligatoire, soit 5% des charges communes.
Au budget type présenté plus haut, nous allons donc ajouter une contribution au fonds de prévoyance représentant 5% des charges communes d’exploitation :
Poste budgétaire | Charges annuelles prévues |
Électricité | 1000$ |
Entretien général et réparations mineures | 10175$ |
Télécommunications | 550$ |
Assurances | 5800$ |
Frais d'assemblée | 200$ |
Frais de bureau | 150$ |
Honoraires professionnels | 3000$ |
Licences et permis | 460$ |
Frais bancaires | 180$ |
Fonds de prévoyance (5% de 21 515$) | 1076$ |
TOTAL | 22 591$ |
👉 Dans ce cas, on obtient des frais de copropriété mensuels de 117,66$ par copropriétaire, par mois.
Scénario B : contribution annuelle selon une étude du fonds de prévoyance
Suite à la préparation d’une étude du fonds de prévoyance qui tient compte des réparations majeures et remplacements de parties communes à prévoir sur un minimum de 25 ans, en conformité avec la nouvelle réglementation, le professionnel mandaté de l’étude calcule que la contribution annuelle au fonds de prévoyance devrait s'élever à 25 000$ par année.
Au budget type présenté plus haut, nous allons donc ajouter une contribution au fonds de prévoyance de 25 000$ :
Poste budgétaire | Charges annuelles prévues |
Électricité | 1000$ |
Entretien général et réparations mineures | 10175$ |
Télécommunications | 550$ |
Assurances | 5800$ |
Frais d'assemblée | 200$ |
Frais de bureau | 150$ |
Honoraires professionnels | 3000$ |
Licences et permis | 460$ |
Frais bancaires | 180$ |
Fonds de prévoyance (selon l'étude) | 25 000$ |
TOTAL | 46 515$ |
👉 Dans ce cas, on obtient des frais de copropriété mensuels de 242,27$ par copropriétaire, par mois. On constate que les frais de copropriété mensuels ont doublé en conséquence d’une contribution maintenant adéquate au fonds de prévoyance.
Scénario C : contribution annuelle selon une étude du fonds de prévoyance et renflouement
Disons que cette copropriété, en conséquence de trop faibles contributions à son fonds de prévoyance depuis 30 ans, doit faire un effort additionnel pour renflouer son fonds de prévoyance, puisque, même avec des contributions annuelles de 25 000$ par année, le fonds de sera pas suffisant pour payer les remplacements et réparations majeures à prévoir sur 25 ans.
Le professionnel qui a réalisé l’étude du fonds de prévoyance estime le manque à gagner à 75 000$ et propose d’étaler ce rattrapage sur 10 ans, soit 7500$ par année.
Au budget du scénario B, nous allons donc ajouter une contribution de renflouement de 7500$ :
Poste budgétaire | Charges annuelles prévues |
Électricité | 1000$ |
Entretien général et réparations mineures | 10175$ |
Télécommunications | 550$ |
Assurances | 5800$ |
Frais d'assemblée | 200$ |
Frais de bureau | 150$ |
Honoraires professionnels | 3000$ |
Licences et permis | 460$ |
Frais bancaires | 180$ |
Fonds de prévoyance (selon l'étude) | 25 000$ |
Renflouement du fonds de prévoyance | 7500$ |
TOTAL | 54 015$ |
👉 Dans ce cas, on obtient des frais de copropriété mensuels de 281,33$ par copropriétaire, par mois. Une fois le fonds de prévoyance renfloué, les frais de copropriété pourront diminuer.
L’augmentation des frais de copropriété est nécessaire et utile
Évidemment, en parcourant notre exemple, plusieurs copropriétés qui n’ont pas déjà fait préparer leur carnet d’entretien et leur étude du fonds de prévoyance pourraient sursauter en constatant le genre d’augmentation des frais de copropriété susceptible de découler de leur propre exercice.
Avant de paniquer, il est important de relativiser certaines choses. Tous les bâtiments, sans exception, ont besoin de travaux pendant leur vie utile qui verront plusieurs générations de copropriétaires se succéder. Les sommes qui seront exigées des copropriétaires pour garnir le fonds de prévoyance de la copropriété serviront à faire les travaux nécessaires au moment où ils seront requis.
Qu’on le veuille ou non, ce sont les copropriétaires qui devront assurément payer pour ces travaux. Il n’y a pas de généreux donateur qui viendra payer la nouvelle toiture et le gouvernement ne va pas venir remplacer les fenêtres aux frais des contribuables.
Alors, la question n’est pas si on devra faire des travaux ou pas, ou qui devra les payer, mais bien comment on finance et on gère la conservation de l’immeuble. Voici les deux options possibles :
1. Par une capitalisation saine et durable du fonds de prévoyance :
✅ Permet d’accumuler les sommes nécessaires progressivement au lieu de surprendre les copropriétaires avec d’énormes cotisations spéciales;
✅ Permet d’agir au bon moment (puisque l’argent est disponible quand on en a besoin);
✅ Simplifie la planification et la gestion des travaux (puisque l’argent est disponible quand on en a besoin);
✅ Permet de générer des intérêts via des placements;
✅ Valorise la copropriété;
✅ Conforme à la loi.
2. Ou encore, par des cotisation spéciales :
⚠️ Nécessite une assemblée extraordinaire;
⚠️ Prend les copropriétaires par surprise, ce qui implique des risque de gestion des émotions et de conflits;
⚠️ Le conseil d'administration doit fait le suivi pour assurer les versements, parfois pendant des mois et même des années lorsque certains copropriétaires n’ont pas l’argent;
⚠️ Retarde souvent l’exécution des travaux requis qui, en conséquence seront plus onéreux au final;
⚠️ Dévalorise la copropriété;
⛔ Non conforme à la loi.
L’idée selon laquelle la copropriété divise coûte maintenant plus cher à cause du projet de loi 16 est un mythe.
En réalité, c’est le contraire! Le problème, c’est qu’avec des frais de copropriété qui ressemblent à ceux au scénario A, pendant des décennies des copropriétaires n’ont pas payé le coût réel d’être propriétaire et en sont venus à croire que c’était ça, le coût réel d’être copropriétaire.

