Dégât d'eau en condo : qui doit payer et qu’en disent les lois 16 et 141?
- Julien Gobeil Simard
- il y a 2 heures
- 8 min de lecture

En copropriété comme dans n’importe quel immeuble résidentiel, les sinistres font partie des situations les plus redoutées, avec raison! Un sinistre peut entraîner des réparations coûteuses, des démarches de réclamation à l’assureur et aux copropriétaires complexes et, parfois, des tensions entre copropriétaires, surtout si ce sinistre se répercute sur plus d’une unité de condo.
Parmi tous les types de sinistres, les dégâts d’eau sont les plus fréquents : un chauffe-eau défectueux, une fuite de tuyauterie ou un électroménager mal connecté peuvent rapidement causer des dommages majeurs dans un immeuble à condos.
La grande quantité de sinistres dans les copropriétés a découragé plusieurs assureurs, causant la désertion de plusieurs assureurs. La diminution de la concurrence et le haut taux de sinistralité ont causé une hausse des primes d’assurance et des franchises en copropriété.
Pour pallier aux franchises toujours plus élevées, dont le paiement devenait souvent un réel problème en cas de sinistre et donnait presque assurément lieu à des contributions spéciales élevées et exigées à très court terme, le projet de loi 141 de 2018 a introduit le fonds d’auto assurance obligatoire, qui permet aux copropriétés d’être plus résilientes financièrement si le paiement de la franchise d’assurance est nécessaire.
Le projet de loi 141 a également modifié le fonctionnement des assurances en copropriété, ce qui peut rendre la gestion des dégâts d’eau encore plus déroutante pour plusieurs copropriétés dont les administrateurs et gestionnaires qui ne maîtrisent pas encore le fonctionnement.
Note : cette page ne constitue pas un avis juridique.
D’abord, bien comprendre les couvertures du syndicat et des copropriétaires
Avant de parler de la façon d’approcher un dégât d’eau, il faut d’abord bien comprendre la portée des protections des différents contrats d’assurance.
Le syndicat de copropriété doit souscrire à une assurance pour protéger tout l’immeuble à condos contre les risques usuels. C’est obligatoire en vertu de l’article 1073 du Code civil du Québec.
Tout l’immeuble, ça veut dire les parties communes ainsi que les parties privatives. Encore aujourd’hui, plusieurs copropriétaires croient que leur assurance habitation personnelle couvre leur unité de condo, mais ce n’est pas le cas. Même les parties privatives de la copropriété sont couvertes par l’assurance du syndicat.
Ce qui n’est pas couvert par l’assurance du syndicat de copropriété :
Les biens des copropriétaires;
Les améliorations apportées par les copropriétaires à leur unités de condo (à condition de pouvoir distinguer ces améliorations grâce à la description des unités de référence);
La responsabilité civile des copropriétaires.
L’assurance des copropriétaires couvre ces éléments, qui ne sont pas couverts par l’assurance du syndicat. Cette clarification est absolument cruciale, puisque ça change complètement la gestion d’un dégât d’eau ou de tout autre sinistre qui survient dans une partie privative en copropriété.
En effet, comme c’est le syndicat de copropriété qui assure les parties communes ET privatives, le réflexe du copropriétaire qui a un dégât d’eau dans son condo devrait être de contacter son syndicat de copropriété d’abord et non son assureur personnel.
Quoi faire en cas de sinistre en copropriété?
En pratique, dès qu’un sinistre touche le bâtiment (parties communes ou parties privatives d’origine), c’est le syndicat de copropriété qui se retrouve en première ligne. L’exception, ce sont les sinistres qui n’affectent que les biens ou les améliorations du copropriétaire.
Voici un lien vers le processus de règlement de sinistre du BAC (Bureau d’assurance du Canada) qui explique très clairement la démarche de règlement.
Concrètement, voici ce qui devrait se passer lorsqu’un dégât d’eau survient dans les parties communes ou les parties privatives d’une copropriété :
Agir rapidement et limiter les dommages : si le sinistre est associé à l’alimentation en eau du condo, il faut couper l’eau si on le peut. Si le sinistre est lié à l’utilisation de l’eau (douche, toilette, évier, etc.), il faut en cesser l’utilisation immédiatement.
Avertir le syndicat ou le gestionnaire de la copropriété : fournir des photos et une description de l’état du dégât d’eau et de sa source potentielle si elle est connue.
Le syndicat de copropriété doit avertir son assureur. Il est par ailleurs obligatoire de notifier l'assureur en cas de sinistre, même si la copropriété décide de ne pas réclamer le dommage à son assureur.
Collaborer pleinement avec les experts mandatés : permettez l’accès aux différents intervenants (membres du conseil d’administration, experts en sinistres, nettoyage après-sinistre, etc.) pour faciliter l’inspection et le constat des dommages. Important : il faut éviter de réparer soi-même les dommages. C’est le syndicat qui décidera des personnes mandatées pour faire les réparations.
Qui paie pour les dommages liés à un dégât d’eau en copropriété?
Petite précision avant d’aller plus loin : dans cet article, il est présumé que le sinistre est un événement soudain couvert par le contrat d’assurance. Il n’est pas question de traiter d’un dommage lié à l’eau qui a été causé sur plusieurs années par un vice de construction, une malfaçon ou encore la négligence d’un copropriétaire ou du syndicat. Ces situations nécessitent une toute autre gestion.
En cas de dégât d’eau pour lequel le syndicat de copropriété est couvert, ce dernier devra décider, en fonction du montant estimé des dommages, s’il veut réclamer à l’assureur ou non.
👉 Si le syndicat de copropriété décide de ne pas réclamer à son assureur
Typiquement, on évitera de réclamer si le montant des dommages est inférieur à la franchise. Dans un tel cas, le syndicat de copropriété devra se charger des réparations en utilisant son fonds d’auto assurance ou en exigeant des charges communes spéciales à l’ensemble des copropriétaires.
👉 Si le syndicat de copropriété décide de réclamer à son assureur
Si le syndicat de copropriété réclame à son assureur, la franchise devra être payée avec le fonds d’auto assurance, ou encore en exigeant des charges spéciales à l’ensemble des copropriétaires.
Autrement dit, c’est toujours le syndicat qui devra, en premier lieu, se charger de gérer le sinistre et les réparations, aux frais de l’ensemble des copropriétaires en utilisant le fonds d’auto assurance et/ou des charges communes spéciales.
👉 Si le sinistre a été causé par la faute d’un copropriétaire
Toutefois, s’il s’avère que le sinistre a été causé par la faute d’un copropriétaire (négligence, manque d’entretien, travaux non autorisés, etc.), le syndicat pourra lui réclamer des dommages-intérêts. Par exemple, pour récupérer la franchise payée à l’assureur ou encore pour les dommages qui excèdent les protections du contrat d’assurance.
Dans un tel cas, le copropriétaire visé pourra faire une réclamation à son propre assureur en responsabilité civile. Malheureusement, il est fréquent que l’assureur du copropriétaire, ou le copropriétaire lui-même, nie la responsabilité, et que le syndicat de copropriété doive s'adresser à un tribunal où il devra démontrer la faute du copropriétaire. Condolégal donne de bonnes indications sur le fardeau de la preuve qui pourrait être nécessaire.
Ce que disent les lois 16 et 141 sur les sinistres dans les immeubles à condos
Les réformes récentes dans la copropriété au Québec (projet de loi 16 et projet de loi 141, notamment) ont introduit de nouveaux outils permettant de mieux prévenir les risques de sinistres au sein des immeubles à condos, notamment les dégâts d’eau.
Ce que dit la loi 16 sur la prévention et la gestion des sinistres en copropriété, comme les dégâts d’eau
Le projet de loi 16, adopté afin de mieux encadrer la saine gestion du parc immobilier des copropriétés au Québec, vise à renforcer la prévention, la transparence et la planification, notamment en rendant obligatoire la mise en place du carnet d’entretien et de l’étude de fonds de prévoyance dans les copropriétés divises au Québec.
Même si la loi 16 n’aborde pas directement de sinistres dans les condos, elle influence grandement la manière dont les dégâts d’eau sont anticipés et gérés, puisqu’une partie des sinistres peut être liée à des lacunes d’entretien ou à une mauvaise planification des travaux majeurs nécessaires à la pérennité de l’immeuble.
Le carnet d’entretien
Il sert à planifier, documenter et suivre l’entretien de l’immeuble à condos au fil du temps. On y retrouve la liste des composantes majeures du bâtiment, ainsi que la fréquence d’inspection, d’entretien et de remplacement recommandée pour chacune.
Un carnet d’entretien bien tenu permet au syndicat de copropriété :
✅ d’anticiper les réparations et les remplacements avant qu’un bris n’entraîne un sinistre;
✅ d’éviter la négligence qui peut compromettre la couverture d’assurance du syndicat de copropriété;
✅ de démontrer sa diligence en cas de réclamation d’assurance suite à un sinistre.
En somme, le carnet d’entretien transforme la gestion des immeubles à condos : il fait passer les copropriétés d’une culture de réaction à une culture de prévention, réduisant ainsi directement plusieurs risques de dégâts d’eau et autres sinistres coûteux dans les condos.
Voir aussi : Tout sur le carnet d'entretien des condos
L’étude du fonds de prévoyance
L’étude du fonds de prévoyance, rendue obligatoire par le projet de loi 16, est le complément du carnet d’entretien. Alors que le carnet d’entretien permet de planifier les entretiens, remplacements et réparations majeures à prévoir, l’étude du fonds de prévoyance donnera une stratégie financière pour avoir les sommes nécessaires pour effectuer les remplacements et réparations majeures de parties communes au moment opportun.
Être en mesure de payer les travaux est un élément de gestion et de prévention essentiel : s’il faut refaire la toiture et que les sommes pour ces travaux ne sont pas disponibles dans le fonds de prévoyance de la copropriété, des cotisations spéciales seront nécessaires.
Pour exiger ces contributions spéciales, une assemblée extraordinaire devra être organisée puis un avis de cotisation devra être envoyé aux copropriétaires avec un terme de paiement. Certains copropriétaires pourraient ne pas être en mesure de payer les cotisations spéciales, ce qui risque de retarder l’exécution de travaux nécessaires à la conservation de l’immeuble à condos, pouvant alors augmenter le risque de sinistre.
Voir aussi : Tout sur le fonds de prévoyance des condos
Le rôle du fonds d’auto assurance (loi 141) sur les dégâts d’eau en condo
Introduit par le projet de loi 141 et obligatoire depuis 2022, le fonds d’auto assurance en copropriété sert à payer les franchises d’assurance, les travaux urgents ou les dommages non couverts par l’assureur, sans devoir imposer de cotisation spéciale immédiate aux copropriétaires.
Ce fonds, distinct du fonds de prévoyance, assure une réaction rapide en cas de sinistre, comme lors d’un dégât d’eau dans un condo. Il renforce la résilience financière de la copropriété et permet d’accéder rapidement au montant requis pour répondre rapidement aux besoins de réparations suite au dégât d’eau dans l'immeuble à condos.
En parallèle, il incite les syndicats de copropriété à mieux planifier et budgéter leurs risques, un principe que la loi 16 vient d’ailleurs compléter en imposant une gestion de l’immeuble à condos plus rigoureuse à long terme.
Mieux prévenir les dégâts d’eau dans les immeubles à condos
Les dégâts d’eau demeurent l’un des sinistres les plus fréquents en copropriété, mais ils peuvent être évités ou, du moins, leur impact peut être grandement réduit lorsqu’on combine prévention, bonne gestion et partenaires spécialisés. Les projets de loi 16 et 141 ont renforcé l'encadrement légal et les outils financiers des syndicats de copropriété en matière d’entretien d’immeuble, mais ceux-ci ne remplacent pas l’importance de s’appuyer sur des experts.
Les assureurs, par exemple, jouent un rôle essentiel dès les premières minutes d’un sinistre : accompagnement, coordination avec les experts, conseils pour éviter d’aggraver les dommages, et soutien dans la gestion administrative et financière.
En parallèle, des solutions technologiques préventives (systèmes de détection de fuites, valves intelligentes, alertes automatisées, etc.) permettent souvent d’éviter un dégât d’eau avant même qu’il ne survienne.
Au final, protéger un immeuble à condos, c’est combiner responsabilités bien définies, planification rigoureuse et collaboration avec les bons partenaires. Ensemble, ces éléments permettent de réduire les risques, les coûts et le stress liés aux sinistres en copropriété.




